Alexeï Tolstoï


Le Chemin des tourments

A paraître le 5 avril 2018

C'est en 1919, en exil, qu'Alexeï Tolstoï entreprend la rédaction de son roman Le Chemin des tourments qui est publié à Paris en 1920 et 1921 dans des revues littéraires (La Russie à venir et Notes contemporaines), puis intégralement à Berlin, en 1922. Rentré en Union soviétique, il reprend son projet et lui donne un nouveau titre, Deux Sœurs, qui devient ainsi le premier volet de sa future trilogie romanesque. Initialement, chaque roman devait correspondre à une année de la guerre civile, mais seule l’année 1918 est décrite dans le deuxième volet L’An dix-huit. Le dernier volume Sombre Matin décrit les événements des années 1919 et 1921. À l'origine, cette grande fresque devait rendre compte de l’écroulement du monde ancien dans lequel Alexeï Tolstoï avait été lui-même si insouciant. Suite au retour en Russie de l'auteur et à son basculement du côté soviétique, la trilogie prend un tout autre tournant.

Premier volet de la trilogie, Deux soeurs prend place avant et pendant la Première Guerre mondiale. Le roman relate les vies futiles et artificielles de la bourgeoisie russe, classe privilégiée passant le temps dans les salons de Saint-Pétersbourg où l’on parle d’art nouveau, de poésie, et de la dernière poétesse à la mode. Les héros sont issus de l'intelligentsia russe: les soeurs Dacha et Katia sont les filles d'un médecin de Samara, respectivement mariées à un ingénieur et un avocat. Sous la plume de l'auteur qui parle des libéraux et des anarchistes comme d'un « ferment de pourriture », la ville de Moscou apparaît comme une opérette où les personnages jouent un vaudeville sans se soucier des massacres et des famines. Aucun protagoniste ne se rend compte des risques imminents d’une guerre, et lorsqu'elle survient, c'est comme pour châtier l’inconscience de cette jeunesse dévergondée. 
Le second volet de la trilogie paru en 1925, commence après la révolution d’octobre par le retour massif des soldats russes et le début de la guerre civile sur le territoire de l’ancien empire tsariste. Le lecteur assiste à l’agonie de l’ancienne Russie: la fin de la Première Guerre mondiale ouvre la porte aux complots contre les bolcheviques et aux manifestations d’usines. L’une des deux sœurs prend part au complot des anarchistes alors que tous les héros se retrouvent anéantis. Ainsi, l’histoire et la guerre civile emportent dans leur tourbillon toutes les couches de la population. 
Dans Sombre Matin, le troisième volet, paru en 1940, Tolstoï aborde la fin de la guerre dont il paraît inéluctable qu’elle se termine en révolution. Le roman est empreint d’une esthétique nouvelle, qui relève d’un certain réalisme socialiste témoignant du revirement idéologique de l'auteur revenu en Russie en 1923, et qui voit sa trilogie recevoir le prix Staline en 1943. Les fils des destinées des personnages se dénouent et les petits destins se fondent dans le grand destin d'un pays en marche vers les lendemains qui chantent.